1557 Jérome Cardan, plus prodigieux que prodigiologue

Un personnage hors du commun.

Cardan
Jérome Cardan
De rerum varietate
De rerum varietate
Girolamo Cardano, en français Jérome Cardan (Pavie, 1501 - Rome, 1576), fils naturel d'un jurisconsuilte ami de Léonard de Vinci, était bien parti pour ètre un digne représentant du "monde enchanté" de la renaissance.
Extraordinairement précoce et éduqué par son père, il est déjà, dès sa jeunesse, célèbre comme astrologue et mage. Il fait des études de médecine à Pavie et à Padoue, pour être reçu docteur en médecine en 1526, comme le fut son père et le sera son fils.
Il obtient une chaire de mathématiques à Milan en 1534, où il enseigne la géométrie et l'astronomie jusqu'en 1539,
Sa réputation parvint jusqu'au roi de Danemark, mais en craignant le climat, et la religion, il déclina son offre. Il déclina de même une offre du roi de France et de la reine d'Ecosse.
Fantasque, génial, mais aussi imprudent, on lui doit aussi bien des découvertes en mathématiques, que le joint de Cardan, l'amélioration de la chambre noire, la notion de probabilité ou une explication de la scintillation des étoiles, mais inversement il affirma que la nova de 1572, avait toujours existé et avait guidé les rois mages (alors qu'elle était fixe). Pire, sa croyance en l'astrologie lui firent prédire une longue vie à Edouard VI (qui mourut l'année suivante), et lui fit dresser l'horoscope de Jésus-Christ, ce qui, avec l'affirmation de l'équivalence des trois religions monothéistes, lui valu 77 jours de prison.
Son esprit éclectique et sa prolixité lui firent écrire plus de 9000 pages. Ses oeuvres les plus célèbres furent Ars Magna et De subtilitate, qui eut droit à pas moins de 15 éditions.

Cardan prodigiologue.

Si Cardan fait partie des sources de Conrad Lycosthenes, c'est que son esprit syncrétique l'avait poussé à mentionner aussi des prodiges et des présages dans De rerum varietate, complement en 1557 de De subtilitate. Cependant l'index final ne mentionne que quatre entrées pour "ostentum" et deux pour "prodigia".

Dans le livre I, au chapitre 9, Cardan décrit quelques phénomènes aériens sous le titre "Aeris miracula", ce qui est peut-être exagéré pour des phénomènes violents et insolite.

Dans le livre XIV, De divinatione occultiore, Cardan est plus bavard en matière de phénomènes insolites dont on puisse déduire des présages. Parmi quelques phénomènes fulguraux, bolides et comètes, celui ci retient l'attention de Lycosthènes:

OSTENTA IGNEA
CAPUT LXIX
cuidam amico nostro, cujus nomen propter dignitatem silentio praetereo, cum domum venisset, hora prima noctis exacta. In pallii consueta depositione, Scintillae à dorso petasi sparsim prosilierunt, iterumque reposito pallio dum amoveretur, denuo eruperunt. Unde geminato timore perculsus est. Infra quindecim dies accusatus veneficii, ab inimicis et quaesitus ut occideretur, voluntarium suscepit amicorum consilio exilium.

PRODIGES ENFLAMMÉS
Chapitre 69
un certain ami à nous, dont je passe le nom sous silence par dignité, lorsqu'il est rentré, à une heure précise du matin. Lors de la pose habituelle du manteau, des étincelles jaillirent de l'arrière du chapeau, et lorsque le manteau fut à nouveau retiré, elles éclatèrent à nouveau. Aussi fut-il frappé d'une double frayeur. En moins de quinze jours, accusé d'empoisonnement par ses ennemis et recherché pour être mis à mort, il accepta volontairement l'exil sur les conseils de ses amis.

Ajourd'hui, ce récit n'évoque plus qu'un banal phénomène électrostatique, mais il faudra encore deux siècles pour que la science s'y intéresse.

Les chapitres suivants OSTENTA QUAE IN AERE, OSTENTA QUAE IN AQUIS, OSTENTA TERRAE, OSTENTA PLANTARUM, traitent, comme on le devine, de prodiges observés dans les airs, dans l'eau, sur terre et sur les plantes, sans que Lycosthènes s'y soit guère intéressé.

Puis il cite quelques présages qu'on peut tirer de découvertes d'animaux ou d'hommes.
OSTENTA QUAE IN AGRESTIBUS ANIMALIBUS
CAPUT LXXIIII

Ainsi il parle du corps d'une baleine gigantesque trouvé à Gènes.
Ni fallimur, audivimus a familiari nostro jam duobus annis exactis, Genuae caput balenae extractum a mari, in litore diu jacuisse: quod adeo praegrande fuit, ut a faucium imo ad os decemnovem passus numeraretur. Quid aliud hoc est quam quod Cyrna amissa, significabatur caput amisso corpore remansurum.
Si nous ne nous trompons pas, nous avons entendu dans notre famille qu'il y a deux ans, à Gènes, la tête d'une baleine sortie de la mer, était restée longtemps sur le rivage: qu'elle était si grande qu'elle mesurait dix-neuf pas du fond de la bouche à la bouche. Qu'est-ce que le fait que la tête resterait dans le corps signifiait d'autre que a perte de Cyrna.
dix-neuf pas, c'est la longueur totale du corps d'une baleine, et non celle de sa bouche, mais Cardan dit bien qu'il ne l'a pas vu lui même.

OSTENTA QUAE IN CICURIBUS
CAPUT LXXV
, Prodiges sur les animaux domestiques, intéresse Lycosthènes pour un veau à deux têtes:
Vidimus anno MDXL vitulum bicipitem singulo capitum perfectu, lingua, dentibus, naribus, oculis, auribus, juncta erant in occipitio. Capita quorum unum masculi rotundum, alterum foeminae oblongum, speciem diversi sexus prae se ferebant. Animal vitula erat exenteratum, ac ex matre excisum: occisa quod diutius partum traheret, quam ut servari posset. Supervixit, ut referebant, foetus dimidio horae: erat in caupona Cancri.
En 1540, nous avons vu un veau à deux têtes avec chaque tête complète, langue, dents, nez, yeux et oreilles, réunis dans la nuque. Les têtes dont l'une était mâle et ronde, l'autre femelle et oblongue, présentaient l'apparence de sexes différents. L'animal était un veau qui avait été éventré et séparé de sa mère : il avait été tué parce sa naissance avait traîné trop longtemps pour être sauvé. Le fœtus a survécu, comme on l'a rapporté, une demi-heure : c'était à l'auberge du Cancer.

OSTENTA QUAE IN HOMINIBUS
CAPUT LXXVI
Vidimus et hominem qui anno MDXL, damnatus poena capitali, bisque clava percussus cadente etiam succula, servatus est coram populo oppidi Castrinovi provincuae Turonensis. Praedixerat hoc futurum antequam duceretur, astansque supplicio, ab ea die quae vigesima octava fuit Novembris, peregrinatus est ex voto saucius, tamen paululum evasit.

Nous avons vu aussi un homme qui, en l'an 1540, ayant été condamné à la peine capitale, et tombant frappé deux fois avec un gourdin, fut sauvé devant les gens de la ville de Castrinovi, dans le province de Tours. Il avait prédit cet avenir avant d'être pris, et pendant qu'on l'exécutait, à partir de ce jour, qui était le 28 novembre, il voyagea comme il l'avait voulu, mais s'échappa un peu.

Cardan mentionne davantage de prodiges que Lycosthènes n'en retient, mais il faut avouer qu'ils ne cassent pas trois pattes à un canard. Si Cardan à consacré un livre, parmi dix-sept, à parler de prodiges dont on puisse déduire un présage, c'est qu'il voulait être éclectique, et ne pas négliger ces phénomènes - auxquels, en bon astrologue, il croyait - dans son panorama de la variété des choses. Mais ceci occupe trop peu de place dans son oeuvre, pour que nous puissions le traiter de prodigiologue. Il était bien plus prodigieux lui même.

HIERONYMI CARDANI MEDIOLANENCIS MEDICI DE RERUM VARIETATE LIBRI XVII, BASILEAE ANNO MDLVII

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Dernière mise à jour: 13/07/2023