1509 Baptiste Fulgose sur les traces de Valère Maxime.
Doge et écrivain.
Baptiste Fulgose |
Battista Fregoso, ou Campofregoso (Gênes, 2 février 1452 - Rome, 1504), fut le 30e doge de la République de Gênes. Fils du doge Pietro Fregoso (1412-1459), on l'appela d'abord Battistino, pour le distinguer de son grand-père paternel, 27e doge.
Formé aux armes, mais aussi aux humanités, pendant sa jeunesse, il profita de la situation turbulente de Gênes, en 1478, pour éliminer le doge Prospero Adorno, avec l'aide de son armée, après avoir acquis la faveur d'Obietto Fieschi par corruption. Le 25 novembre 1478, il reçut le dogate qu'il conserva pendant cinq ans, jusqu'à ce qu'il soit déposé par son propre oncle, le cardinal Paolo Fregoso. Il se réfugia alors en France où il se consacra à l'étude de l'histoire et des lettres. Malgré la chute de son oncle en 1488, il ne put reconquérir le titre de doge. Il ne lui restait plus qu'à se consacrer à l'écriture de livres, dont le plus connu porte le titre grec d'Anteros.
Il termina sa vie à Rome où il s'était rendu dans l'espoir de recevoir l'aide du pape Jules II, et mourut en 1504.
Fulgose prodigiologue.
Anteros, fut plus tard sous titré "sive tractatus contra amorem". Malgré son titre grec, il était écrit en italien. C'est curieusement une condamnation de l'amour, car Anteros est le supposé frère et rival d'Eros. Qu'on ne s'imagine pas que Fulgose, ancien soldat, prend le contrepied des hippies, en écrivant: "faites la guerre, pas l'amour", c'est en fait un jugement porté sur l'amour ou l'auteur fait intervenir tous les écrivains qui en ont parlé.
Plus tard, à l'instar de Valère Maxime, il écrivit de dictis factisque memorabilibus, cette fois en latin, contenant, comme l'ouvrage de Valère Maxime, une partie sur les prodiges. Les premières éditions imprimées ne le furent qu'en 1509, donc cinq ans après sa mort.
Comme plus tard fera Lycosthenes, l'ouvrage, divisé en neuf livres, commence, après les dédicaces et préfaces d'usages, par la liste des auteurs cités. Puis on passe à la table des matières qui nous apprend que le quatrième chapitre du premier livre est consacré aux prodiges.
De fait, à la 45e page, comptée depuis la page de titre (le livre n'est pas paginé), nous trouvons:
De Prodigiis
SUpra communem usum res interdum eveniunt quas plerumque pro ipsarum varietate vel foelicitas insignis vel adversa fortuna sequitur. Veteres igitur latini prodigia eas res appellarunt. De veteribus ergo primo ac postea de recentioribus pauca quaedam sed insignia notabimus.
Des prodiges
Les choses se produisent parfois au-delà de la pratique courante, ce qui résulte souvent soit de leur variété, soit d'une chance remarquable, soit de circonstances défavorables. Les anciens Latins appelaient donc ces choses des prodiges. Nous parlerons d'abord des plus anciennes, ensuite des plus récentes , mais remarquables.
Les prodiges cités s'étalent sur 18 pages, souvent associés à un personnage historique. Citons celui associé à l'éphémère empereur Othon.
PAulo antequam urbem Romam Otto egrederetur cum exercitu adversus Vitellium profecturus (à quo victus praelio sibi ipsi mortem postea conscivit) Romae nunciatum fuit, in Ethruria bovem clare locutam.
Peu avant qu'Othon ne quitte la ville de Rome avec son armée contre Vitellius (par qui il fut vaincu au combat, et se suicida ensuite), on annonça à Rome qu'en Ethrurie un boeuf avait parlé distinctement.
Car à cette époque, les boeufs parlaient, et même parfois prophétisaient, sans que personne mette le fait en doute, et Fulgose non plus.
Collin de Plancy, dans son Dictionnaire infernal, prète tout de même une certaine naïveté à Fulgose:
"Fulgose, qui croyait beaucoup à l’astrologie, rapporte, comme une preuve de la solidité de cette science, que l’empereur Adrien, très-habile astrologue, écrivait tous les ans, le premier jour du premier mois, ce qui lui devait arriver pendant l’année, et que, l’an qu’il mourut, il n’écrivit que jusqu’au mois de sa mort, donnant à connaître par son silence qu’il prévoyait son trépas. Mais ce livre de l’empereur Adrien, qu’on ne montra qu’après sa mort, n’était qu’un journal."