1605 Pierre Le Loyer humanoïdologue et sectaire.

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Pierre Le loyer
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Pierre Le loyer, sieur de La Brosse, né en 1550 à Huillé, en Anjou, fit son droit à Paris, puis à Toulouse, et revenu en Anjou, prit la charge de conseiller du roi au présidial d’Angers.
Son premier ouvrage, La Néphélococugie ou Nuée des Cocus, lui vaut un prix littéraire.
Mais il se passionna pour les langues orientales au point de connaître mieux les coutumes des anciens peuples du proche orient, que celles de son propre pays où il avait pourtant sa charge. Il finit par ne plus voir dans les langues modernes que des dérivés de l’hébreu.
C'tait un prodige d'érudition, mais sans aucun jugement (ce qui est fatal pour un juriste), et cette érudition le fit s'égarer, en sorte qu'il fit plutôt un prolixe savantasse.

En 1605, Le Loyer publie la première édition de son Discours et histoires des spectres, visions et apparitions des esprits, anges, démons et âmes se montrant visibles aux hommes. Il s'agit pour lui de prouver la réalité, des anges, démons, spectres, lutins, satyres, pouvoir des sorciers et des magiciens, et de réfuter les opinions des philosophes qui n'y croient pas.
En langage moderne, on pourrait dire qu'il traite d'apparitions d'humanoïdes, réels ou illusoires.
C'est un volumineux ouvrage de 975 pages (sans compter les préfaces, et les sommaires), augmentées de 37 pages de tables, en 8 livres.

La Table des sommaires est très détaillée: voici le résumé:
Livre premier. Definition de Spectre, et de l'Imagination
Livre second. Les sens alterez et corrompus peuvent être trompez facilement
Livre troisiesme. Qu'il y a des anges bons et mauvais apparoissans aux hommes en forme visible
Livre quatriesme. Comment et à quelles personnes les spectres de démons apparoissent
Livre cinguiesme. De l'essence des ames et de leur origine
Livre sixiesme. Contre les Pomponatistes qui tiennent l'apparition des Ames venir des Astres.
Livre septiesme. Que l'Esprit évoqué par la Pythonisse en Endor, qui apparut à Saül pour l'ame de Samuel Prophète estoit Diable.
Livre huictiesme. Comme les malings esprits se monstrans aux hommes peuvent être chassez

Au livre premier, il consacre un chapitre a expliquer que certaines choses apparemment prodigieuses sont naturelles:
Les choses naturelles sont aucunes-fois prinses pour Spectres de la veue, et ouïe qui en sont deceües.
De ce que j'ay dict, je pense avoir assez repoussé cette sorte de Philosophes, et faict veoir non recevables, à faire dire que les sens estoient incertains. Mais ces personnes icy, et d'autres encore aussi incrédules, me voudront dire qu'il y a des choses naturelles, lesquelles pour peu qu'elles soient esloignees de la raison commune, et des causes cogneuës deçoivent les sens qui les prennent pour Spectres, combien que ce ne soit qu'une merveille de nature.

Et l'auteur de citer nombre de merveilles naturelles, mentionnées par Pline, Aristote, Tite Live ou Cassiodore. Arrivant à parler de certaines grottes, cela lui donne l'occasion de parler des Enfants verts de Woolpit.
Satyres

d Li.I.cap.27.
Rer.Anglicar.

Ce seroit à deviner quelle seroit cette caverne. Car elle me faict souvenir de la caverne Vulpute qui est en Suffolk en Angleterre, de laquelle Guillaume de Neuburyd escrit, que sous le Roy Estienne, sortirent en temps de moissons deux jeunes enfants de couleur verde, ou plustost des Satyres, masle et femellee, qui apres avoir apprins le langage du pays, se dirent estre d'une terre d'Antipodes qu'ils nommoient de S.Martin, où le Soleil ne luisoit, et ne voyoient que par une lumiere sombre, qui precedoit le Soleil d'Orient, ou suivoit celuy d'Occident, et au surplus estoient Chrestiens, et avoient des Eglises. Mais cecy me semble estre une fable...
Il est curieux qu'il ne croit pas à cette histoire alors qu'au livre VI, chapitre XII, il en croit de plus invraisemblables.

Les Payens de la Lithuanie ayans prins un jour deux Chevaliers de la Religion des Croizez de Pruze, jetterent le premier, comme il estoit à cheval, dedans un grand brazier de feu allumé. Le cheval fut incontinent consommé du feu, et le Chevalier fut veu monter au ciel en forme de pucelle, sans qu'au brazier demeurast aucune marque et vestige du corps, non pas un seul os. L'autre Chevalier fut enfermé des Payens au milieu d'un arbre qu’ils avoient fendu avecques coings, et mettans le feu au pied de l'arbre, taschoient de faire brusler le Chevalier. Mais la merveille ne se veid moindre en ce dernier Chevalier qu'elle avoit esté veuë au premier. Car un oyseau d’un blanc plumage, dont le pareil n'avoit jamais esté veu, tira le corps de la flamme, et l'enleva au ciel, non sans estonnement des Barbares.
L'étonnement des barbares est bien excusable, ce qui l'est moins, c'est que Le Loyer ne s'étonne pas que les dits barbares aient jeté au feu, non seulement le chevalier, mais le cheval avec.

En 1608, il publie une nouvelle édition. Entretemps, Papire Masson a sauvé et publié le livre d'Agobard, Liber contra insulsam vulgi opinionem de grandine et tonitruis. Agobard a beau être l'un des hommes les plus éclairé de son temps, Le Loyer qui se croit encore plus éclairé ne se gène pas pour le blamer.

J'appelle Tempestaires les sorciers, gresleurs, et ainsi sont-ils nommez et dicts de Charlemagne, Lothaire et autres Septentrionales. Et ne m'en chaut ce qu'un Agobard b en auroit escrit, qui faict de l'incrédule en une chose qui n'estoit que trop avéree de son temps, et qui a continué jusques a nostre age. Il n'y a rien de changé de ce qu'on tenoit de son temps, que les Tempestaires faisoient par leurs arts Diaboliques tomber la gresle plus en un lieu qu'en un autre. C'est ce qui s'informe pareillement du jourd'huy contre les Sorciers, et y en a assez d'histoires, voire recentes, sans ce qu'Agobard ameine doive estre de grand poids, lequel malitieusement pour tourner en risée ce qui n'est que trop esprouvé véritable, feint que le peuple de son temps croyoit qu'il y avoit une region en l'air qui s'appelloit Magonie, de laquelle venoient des navires que les voicturiers chargeoient de bled qui avoit ésté greslé, l'acheptant des tempestaires à petit et vil prix; et telles bourdes et follies, que je m'esbahis comme Agobard ayt eu la hardiesse d'escrire et feindre si impudemment. Car à qui est-ce qu'il pense faire accroire que les hommes de son temps ayent été tant crédules et stupides? Penseroit il le monde enfant, et lui seul sage?

b Contra insulsam opinionem de grandine et tonitru
(Pierre Le Loyer, Discours des spectres, ou visions et apparitions d'esprits, comme anges, démons et âmes se monstrans visibles aux hommes, Nicolas Buon, 1608, p. 367.)

La mauvaise foi de Le Loyer est tout simplement écoeurante.
Agobard a démontré que les "tempestaires" ne sauraient avoir le pouvoir de faire tomber la grêle, et il a expliqué qu'en Lyonnais, si tout le monde parlait du pouvoir des tempestaires de faire tomber la grêle où il voulaient, personne n'en avait jamais vu en action. En particulier, il en avait longtemps cherché un témoin, et le seul qu'il trouvat lui avoua qu'il n'avait rien vu lui-même. Agobard est donc honnête et crédible.

Mais voila, pour Le Loyer la quantité des témoignages prime sur leur valeur, et une rumeur, apportant cent histoires prétendues vraies vaut bien plus qu'un témoignage précis, mais unique. Et comme la rumeur des tempestaires courait encore de son temps, cela lui suffisait pour être sûr que le pouvoir des tempestaires existait bien, et qu'Agobard, qui le niait avait donc menti.
Plus fort: il accuse Agobard d'avoir menti en inventant la croyance en la Magonie. Bien sûr, il n'y était pas, mais il décrète arbitrairement qu'une croyance aussi stupide est impossible, et comme c'est lui, Le Loyer qui a raison, Agobard qui dit le contraire a forcément tort.
Pourtant, aujourd'hui nous savons bien qu'il n'existe pas d'idée aussi stupide qui ne trouve des gens pour y croire, et que la connerie humaine donne vraiment une idée de l'infini.
C'est quand Le Loyer dit qu'Agobard se penserait seul sage que sa mauvaise foi éclate au grand jour: Il projette son sectarisme sur son adversaire.

Avec une mauvois foi aussi patente, et un esprit critique aussi nul, on comprend que son érudition l'ait plutôt desservi, et c'est pourquoi son Discours des spectres l'a fait classer parmi les démonomanes.

Son dernier livre, Edom ou les Colonies iduméanes en l'Asie et en l'Europe, n'est qu'un ramassis de rêveries de clocher, où il prétend qu'il lui a été donné par la bénédiction de Moïse de connaître et d'expliquer l'origine de toutes les nations. Et de démontrer par les racines des noms des hameaux et des fermes qui environnent Huillé, que les habitants de l'Anjou descendent d'Ésau. Et de montrer que dans un vers d'Homère, on trouve: Pierre Le Loyer, Angevin, Gaullois, d'Huillé. etc.

N'en jetons plus. A coté de Pierre Le Loyer, Jimmy Guieu avait l'air d'un rationaliste.

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Dernière mise à jour: 3/03/2012