Aldo Manuzio ressucite le Prodigiorum Liber.

Julius Obsequens, le mystérieux initiateur.

Julius Obsequens, dont nous ne connaissons même pas le prénom (car Julius était le nom de sa gens), ne nous est connu que par ce qui reste de son livre, le Prodigiorum liber. C'est la situation inverse de beaucoup d'auteurs antiques, dont la vie nous est partiellement connue, mais sont les oeuvres sont perdues. Nous ne savons quasiment rien de l'auteur lui même, et en sommes réduits aux spéculations. Certains l'ont fait vivre au premier siècle de notre ère, d'autres au quatrième, ce qui parait le plus probable.
Quant à son livre, c'est un recueil de récits de faits prodigieux, manifestement tirés de l'oeuvre de Tite Live. Ce qui nous en reste ne recouvre que les deux derniers siècles avant notre ère, alors que le livre initial devait remonter à la fondation de Rome, soit, selon la chronologie varronienne, à 753 avant notre ère.

1508. Aldo Manuzio imprime le Prodigiorum Liber.

La première impression du Prodigiorum Liber fut l'oeuvre d'Aldo Manuzio (Alde Manuce, en Français). le manuscrit incomplet (et aujourd'hui perdu) dont il se servit lui aurait été offert, selon tous les auteurs qui en parlent, par un certain Jodocus de Vérone, malheureusement inconnu des dictionnaires de biographie. Il s'agit probablement de Jodocus Badius, également imprimeur, et qu'Aldo Manuzio dut connaitre à Ferrare, quand ils étudiaient tous les deux sous la férule de Battista Guarini. Dans sa préface, adressée au sénateur vénitien Aloisio Mocenico, il explique:
Addito etiam Iulii Obsequentis libro de Prodigiis, quem mihi Iucundus meus iucundissimus dono dedit, ut una cum aliis in hoc uolumine imprimendum curarem.
Avec l'ajout aussi du livre de Julius Obsequens sur les Prodiges, que Jucundus m'a donné comme le cadeau le plus agréable, afin que je prenne soin de l'imprimer avec les autres dans ce volume.
C'est qu'à l'origine Aldo Manuzio devait imprimer quelques oeuvres de Pline le jeune, et c'est une chance qu'il ait choisi d'y ajouter le texte de Julius Obsequens, dont nous avons bien failli ne jamais entendre parler, puisque le manuscrit n'existe plus. L'oeuvre de Julius Obsequens a subi le même sort que celle de Velleius Paterculus, dont le seul manuscrit connu fut perdu après que son contenu eut été imprimé. Encore ne peut on pas se plaindre car on peut estimer que 90% de la littérature de l'antiquités nous est perdu. Il doit même y avoir des auteurs à jamais inconnus, dont nous ne connaissons ni le nom, ni l'oeuvre.
Heureusement, Aldo Manuzio fut là, et nous sauva une partie de l'oeuvre. Le manuscrit original doit être perdu depuis longtemps, mais si le manuscrit utilisé est lui aussi perdu, une particularité du livre imprimé nous donne une idée de ce à quoi devait ressembler ce manuscrit.

C'est la première page du livre d'Obsequens, relégué à la fin du livre imprimé, et un détail nous interpelle: Pourquoi l'imprimeur a-t-il laissé, au début de chaque paragraphe, un espace blanc, occupé par une seule lettre en capitale? La réponse est probablement qu'il a voulu garder l'apparence du manuscrit original, où chaque paragraphe devait commencer par une lettrine, occupant la hauteur de plusieurs lignes. Ceci nous apprend que le manuscrit utilisé était une copie médiévale, de l'époque où l'on utilisait ce procédé des lettrines, et qu'il n'était donc pas antérieur au VIIIe siècle.
Sur la reproduction ci-dessus, nous avons rajouté en bistre un simulacre de la lettrine initiale, que l'imprimeur a oublié. Ce qui permet de reconstituer le texte:
Junonis Lucinae templum fulmine ictum,

Les dates peuvent être retrouvées par les noms des consuls en fonction:
L.Scipione. C. Laelio.Coss (Consulibus).
Lucius Cornelius Scipio et Caius Laelius furent consuls en 190 avant notre ère.
M.Messala.C.Livio.coss.
Marcus Valerius Messalla et Caius Livius furent consuls en 188 avant notre ère.
Et ainsi de suite, jusqu'à:
Paulo Fabio, Quinto Elio coss.
Paulus Fabius et Quintus Aelius furent consuls en 11 avant notre ère (au temps du principat d'Auguste).

Ce livre est le premier recueil imprimé de prodiges. Il va être réimprimé tout au long du XVIe siècle, en latin, ou traduit en d'autres langues, comme en témoigne la liste suivante:
1508 à Venise, 1514 à Strasbourg, 1515 à Florence, 1518 à Venise, 1521 à Bâle, 1526 à Bâle, 1527 à Lyon, 1529 à Lyon, 1529 à Paris, 1530 à Bâle, 1531 à Lyon, 1532 à Anvers, 1537 à Lyon, 1537 à Paris, 1539 à Lyon, 1539 à Paris, 1542 à Anvers, 1542 à Paris, 1544 à Paris, 1547 à Lyon, 1551 à Lyon, 1552 à Bâle, 1553 à Lyon, 1554 à Lyon, 1555 à Lyon, 1555 à Paris, 1589 à Lyon.
On voit qu'il est donc bien plus à l'origine de l'engouement pour les prodiges, au XVIe siècle, que le manuscrit de Jakob Mennel. Pendant un siècle, d'autres auteurs vont publier des catalogues et discussions sur les prodiges, en particulier Conrad Lycosthènes, qui, non seulement va tenter de reconstituer les parties manquantes, mais encore va l'enrichir de gravures.

Le livre imprimé par Manuzio a été scanné en mode texte, puis mis en page web, et le livre d'Obsequens est maintenant disponible à cette adresse:
IULII OBSEQUENTIS AB ANNO URBIS CONDITAE DV PRODIGIORUM LIBER
Dont on peut tenter une traduction approximative par Google (soyez indulgent):
Julius Obsequens en français

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Dernière mise à jour: 29/07/2022