1600: Johann Wolff, mauvais auteur à tous égards.

Wolff
Johann Wolff
livre
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Johann Wolff né en 1537 à Bergzabern, et décédé en 1600 à Mundelsheim, était un un avocat, diplomate, traducteur, historien et théologien allemand. Il étudia dans les universités de Wittenberg, de Tübingen, de Bourges, d'Angers et enfin à l'Université de Dôle, qui le reçut docteur en 1568. Cependant, il n'est guère connu que pour avoir publié l'année de sa mort, Lectionum memorabilium et reconditarum, une espèce de chronique de tous les faits mémorables depuis la venue du Christ. Une chronique "ad majorem Christi gloriam".
Mais le "Lectionum memorabilium" de Wolff n’est pas qu'un simple recueil de faits mémorables ; il s’agit aussi d’un ouvrage de propagande dans le contexte de querelles religieuses que vivait la réforme à l'époque. L’auteur, l'utilise pour réinterpréter certains évènements en tant que prophéties de l’avènement de Luther, et railler l’Eglise catholique.

Dans ces railleries anti-papistes Wolff récupère n'importe quoi, comme cette fabuleuse histoire du pape Benoit IX, apparu sous forme d'un ours à queue d'ane:

ane-pape
Benoit IX
Merito ab omnibus Benedictus iste accusatus est, et judicio divino damnatus. Constat enim, simulachrum ejus admodum horrendum et monstrosum, corpore urso, cauda asino simile post mortem cuidam apparuisse : interrogatumque, quid illa horrida imago prae se ferret, cum antea Pontifex fuisset, respondisse, quia in vita sine lege et ratione, sicut bestia vixi , ideo volente Deo, et Petro, cujus sedem omnibus probris foedaui ,simulachrum meum plus feritatis , quam humanitatis in se habet. Nam cum annis decem, mensibus quatuor, diebus novem per intervalla sedem Petri occupasset, tandem est mortuus. Nec vacasse tunc sedes dici potest,cum Pontificatum vendiderit.
C'est à juste titre que ce Benoit a été accusé et condamné par le jugement divin. Car il est bien connu qu'une image très horrible et monstrueuse de lui, avec corps d'ours et une queue d'âne, est apparue après sa mort à quelqu'un : interrogé sur ce à quoi cette horrible image pouvait se rapporter, alors qu'il avait été pape auparavant, il a répondu, que dans une vie sans loi et sans raison, j'ai vécu comme une bête, donc Dieu le voulant, et Pierre, dont j'ai souillé le siège de tous les reproches, mon image a plus de sauvagerie que d'humanité. Car quand, après dix ans, quatre mois et neuf jours, il eut longuement occupé le trône de Pierre, il mourut. On ne peut pas non plus dire que le siège était vacant lorsqu'il a vendu le pontificat.
Cette fable de "l'ane-pape", fut utilisée par Luther et Melanchthon,mais sera ensuite utilisée en sens inverse par Bossuet, pour railler la stupide crédulité des protestants.

Quand on lit que Wolff récupère sans discuter les prophéties de la Sybille ou la légende des sept dormants d'Ephèse, on comprend qu'il ne soit pas très regardant sur ses sources, et que tout lui est bon. C'est pourquoi le chanoine Pingré le traite de "mauvais auteur à tous égards."

Quel crédit accorder aux prodiges dont il parsème son livre?. Avec quelle désinvolture nous raconte-il n'importe quoi:

1579 Halepo Astronomus ex Thessalonia.
Hoc tempore Constantinopoli visus est cometa, cujus similem Halepo Astronomus non apparuisse mundo dixit ullo unquam tempore antea, praeterquam tunc, cum Sodoma & Gomorrha exurerentur coelitus & Pharao tyrannus Aegypti in mari rubro suffocaretur.
A cette époque on vit à Constantinople une comète, dont selon l'astronome Halepo il n'en apparut aucune au monde, excepté quand Sodome et Gomorrhe furent détruites par le feu du ciel et que Pharaon tyran d'Egypte fut noyé.
(Wolf vol 2, p 908)
Note: On peut chercher tant qu'on veut la trace de cet astronome Halepo, on est toujours ramené à la citation de Johann Wolff. Il n'a donc jamais existé, ou alors son identité a été complètement déformée. Aucune comète n'a été observée en 1579, et la bible ne dit absolument pas qu'on vit une comète quand Sodome et Gomorrhe furent détruites par une pluie de soufre et de feu. Johann Wolff raconte vraiment n'importe quoi.

Voyons un autre exemple avec la pseudo-comète de 1527 :

Anno Christi 1527. 11. augusti, primum in coelo illuxit cometa de manè summo, horam circiter quartam, conspectus fere universae Europae: is in se, contra aliorum cometarum naturam, quandam habuit manum, protendentem gladium, et vibrantem minas. Ab hinc bienno magnam acceperunt cladem a Turcis Christiani, ingenti profusa sanguinis copia. Eodemque anno hoc Borbonius Romam cepi, et sanctissimos patres valdè miserè & turpiter tractavit. Imp. & PP. ut sup.

L'an 1527 après Jésus-Christ le 11 aout, d'abord une comète brilla dans le ciel de grand matin, vers quatre heures, observée de presque toute l'Europe. Contrairement à la nature des autres comètes, était en elle une main brandissant une épée et vibrante de menaces. Deux ans plus tard les chrétiens reçurent une défaite des turcs, dans un immense bain de sang. Et dans le même année ce Bourbon prit Rome, et traita les sanctissimes pères de façon extrèmement misérable et honteuse.

A part l'année, il n'y a quasiment rien de vrai. La source n'est pas claire. D'après la date erronée du 11 aout, et la description réduite à la main tenant une épée menaçante, Wolff semble s'ètre inspiré de Marc Fritsch. Que ne s'était il inspiré de textes plus "sanglants" comme ceux de Spangenberg ou d'Ambroise Paré. D'un auteur capable de ressortir la fable de "l'ane-pape", on s'attendait à bien pire. On se demande tout de même pourquoi, lui, l'antipapiste, transforme le pape, en "sanctissimes pères" qu'il à l'air de plaindre beaucoup.

Non, vraiment, si on doit attribuer une palme à Johann Wolff, c'est celle du prodigiologue le plus infame.

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Dernière mise à jour: 3/03/2012