1994 Larousse mélange ses fiches.

énigmes
le livre
Les éditions Larousse, dont le nom est quasiment synonyme de dictionnaire, avaient déjà évoqué l'affaire Agobard dans un texte assez indigent pour l'article "superstition" de leur grand dictionnaire, de 1877.
En 1992, elles se mettent elles aussi à utiliser le filon du mystère et de l'inexplicable, en publiant LES GRANDES ENIGMES, dans la série La mémoire de l'humanité.
On y reouve un dossier en deux pages, consacré à l'affaire Agobard. Poutant, si cette affaire est insolite, elle n'a rien d'énigmatique, à moins de falsifier le dossier, pour le rendre plus mystérieux.
C'est malheureusement ce qui va se passer, l'auteur ayant mélangé plusieurs pièces du dossier.
Nous allons voir le résultat ici, dans l'édition de 1994: outre qu'il s'est mélangé les fiches, l'auteur ajoute quelques poncifs éculés.


Des extraterrestres au Moyen Âge?

AGOBARD ET LES MAGONIANS
Note: ça commence bien! Il n'y a que les ufomânes qui ont parlé d'extraterrestres, et même eux n'ont pas parlé de Magonians, mais de Magoniens.

  Tout au long du Moyen Âge, des récits évoquent des contacts avec des créatures vivant «entre les anges et les hommes». L'un des textes les plus célèbres est celui d'Agobard, archevêque de Lyon, dans la première moitié du IXe siècle.
Note: En réalité, ce teste est resté ignoré pendant tout le moyen age, et n'a été retrouvé qu'au XVIIe siècle.

Ce texte, cependant, n'est pas fait pour accréditer de telles histoires. Au contraire, le Liber contra insulsam vulgi opinionem (le Livre contre les stupides préjugés du peuple) est destiné à lutter contre ce que l'archevêque estimait être les superstitions de son siècle. C'est dans la partie intitulée De grandine et tonitruis (De la grêle et du tonnerre) qu’il s'insurge contre les histoires de «peuple des airs» qui courent parmi la population de la région.
Note: En fait, le titre est contra insulsam vulgi opinionem de grandine et tonitruis (contre l'absurde opinion populaire sur la grêle et les tonnerres), et n'est pas divisé en chapitres. il n'est pas spécialemnt dirigé contre la croyance au "peuple des airs", mais plutôt contre celle aux tempestaires.

L’incident de Lyon

agobard
Saint Agobard
Dans le De grandine, Agobard s'attaque aux idées de ses contemporains concernant le climat. Des paysans croient alors que des phénomènes naturels, comme l'orage ou la grêle, résultent de l’action de sorciers appelés «tempestaires» (tempestarii), qui sont en relation avec des êtres originaires d'un pays mystérieux situé entre terre et ciel et appelé «Magonie». Ils passeraient avec eux des pactes qui conduiraient les «Magonians», voyageant sur des navires {naves) aériens, à déclencher des intempéries désastreuses pour les cultures. Les deux parties se partageraient alors les fruits touchés et les animaux foudroyés ou noyés. Pour se prémunir contre de tels méfaits, les paysans ne connaissent qu'un remède : ils plantent dans les champs de grands mâts chargés de formules magiques.
Note: Il ne s'agit pas du climat, mais des intempéries. La Magonie n'est pas supposé être en terre et ciel, et ce ne sont pas les Magoniens, mais les tempestaires qui sont censés déclencher les orages. Quant aux paysans, selon Agobard, ils payent le "canonique" à des sorciers anti-grêle pour s'en protéger.
«Rationaliste» avant la lettre, l'empereur Charlemagne interdit, dans ses Capitulaires, une pratique si «superstitieuse». Le texte d'Agobard s'inscrit dans le même combat.
Note: Charlemagne a effectivement interdit de dresser des perches chargées de formules magiques, mais il a aussi interdit de baptiser les cloches.
Or, l'archevêque de Lyon a de bonnes raisons de connaître ces croyances : on lui a amené un jour trois hommes et une femme que la foule accusait d'appartenir à la race des voyageurs aériens et qu'elle voulait lyncher. Agobard finit par démontrer aux Lyonnais leur erreur et sauva la vie des prisonniers. Selon une autre version, qui ne résulte pas du témoignage d'Agobard, les quatre «aériens» auraient bel et bien été tués puis jetés dans le Rhône après avoir été attachés à des planches.
Note: Agobard, qui n'avait pu trouver aucun témoin d'un tempestaire en action, savait déjà à quoi s'en tenir avant qu'on ne lui amène les quatre prisonniers. Il fit avouer à ceux qui les avaient capturé qu'ils n'étaient pas tombés d'un navire aérien. l'auteur se mélange les crayons en parlant des personnes jetées dans le Rhone qui sont celles qui avaient été accusés d'avoir causé la mort des boeufs, pour le compte du duc Grimoald, lors de la grande épizoorie de l'an 810.

Plus tard, au XVIe siècle, un autre auteur, Montfaucon de Villars, dans ses Entretiens sur les sciences secrètes, relate une anecdote qu’il fait remonter aux premiers temps de l'ère carolingienne : les créatures intermédiaires, que lui-même appelle Sylphes, ont décidé un jour de se montrer à visage découvert et sont descendus sur la Terre dans leurs vaisseaux aériens pour prouver qu'ils étaient innocents des crimes qu’on leur attribuait. Expérience inutile, apparemment, puisque des capitulaires de Charlemagne puis de Louis le Pieux fixent que seront imputées des amendes à tout homme et toute femme disant venir du ciel et qui sera capturé.
Note: c'était au XVIIe siècle, et non au XVIe. Montfaucon de Villars n'a fait que réutiliser les mythe des sylphes, élémentaux qui habitent l'air, et les capitulaires n'ont jamais fixé de peines contre ceux qui venaient du ciel. C'est une pure fiction.
Pour convaincre les Terriens, et de leur existence et de leurs bonnes intentions, les Sylphes auraient alors enlevé certains d’entre eux et leur auraient montré les beautés de leur pays d'origine. Puis ils les auraient reconduits indemnes sur la Terre. Mais les voyageurs involontaires auraient été pris à leur tour pour des sorciers ou des créatures diaboliques : arrêtés, torturés, ils auraient finalement été exécutés.
Note: mais tout ceci n'est qu'une fiction imaginée par Montfaucon de Villars, en s'inspirant du récit d'Agobard.

L'ancre du vaisseau des nuées
Plusieurs textes du haut Moyen Âge (un Speculum regale — Miroir des rois — contant les exploits des héros légendaires irlandais, le Konungs Skuggsia norvégien de 950, l'Historia brittonum du Gallois Nennius de 826, ou le Mirabilia irlandais) contiennent la relation d’un incident très proche de celui que raconte l'archevêque Agobard.
Note: Non, car le récit irlandais est présenté comme l'observation d'un fait réel, alors qu'Agobard parle d'un fait qu'il démontre faux.
Un jour de fête, une ancre attachée à un vaisseau des nuées tombe du ciel et se coince en rencontrant un obstacle. Un des êtres aériens descend alors «en nageant» dans les airs et tente en vain de décrocher l'ancre. Il échappe de peu à la population accourue et s'envole vers le vaisseau. La corde est coupée, et celui-ci s'éloigne. Si les versions diffèrent dans les détails secondaires, toutes racontent néanmoins à peu près la même séquence d’événements. Encore au début du XIIIe siècle, l’Anglais Gervaise de Tilbury, dans son Otia imperiala (les Divertissements pour l'empereur), signale une apparition similaire, qui se serait produite peu de temps auparavant. Cette fois, le «plongeur» aérien aurait eu moins de chance et serait mort dans l'aventure.
Note: Cette histoire, apparue vers l'an 950, a été récupérée et modifiée plusieurs fois jusqu'à l'an 1250, où on l'a fixé à Cloena.
Ces récits apparaitraient comme d archaiques légendes si un incident similaire, à quelques détails près, à ceux qui y sont rapportés ne s'était produit à l'époque contemporaine. Le 26 avril 1897, un énigmatique vaisseau aérien apparaît à Merkel, au Texas. Son ancre tombe accidentellement et reste engagée sur le sol; un «plongeur» descend pour libérer le vaisseau... L'histoire fait la «une» des journaux du pays. Or, il est bien difficile d'imaginer que des paysans texans aient été influencés par la lecture de Gervaise de Tilbury ou par celle des textes des IXe et Xe siècles.
Note: Mais l'histoire du vaisseau aérien médiéval, venait justement d'ètre publiée trois ans auparavant dans une nouvelle édition d'un livre de Thomas Wright, que les journalistes ayant écrit l'article avaient probablement lu.


SOURCE: LES GRANDES ENIGMES, Larousse, 1994, p. 106-107

Remarques:

Le texte n'est pas signé, et l'on ignore donc lequel des collaborateurs du livre l'a commis. Pour la photo d'une statue supposée représenter Agobard, le crédit photo indique: Tulane-Rapho, donc Marc Tulane pour l'agence Rapho, mais on ne sait même pas si l'agence a vendu la photo comme celle d'une statue d'Agobard, ou plus probablement celle d'un évèque d'il y a des siècles. La statue, elle, parait assez récente.

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