1855 Jules de Mirville défend la Vision de Constantin

Le marquis Jules Eudes de Mirville, partit en croisade contre les matérialistes, et railla leurs prétention à réduire les merveilles spiritalistes à de simples phénomènes, par divers exemple. Dans l'exemple de la vision de Constantin, il cite quelques auteurs récents pour les ridiculiser au moyen du sophisme de l'épouvantail. Mais il ne se rend pas compte que son épée est en carton, et son bouclier en papier, car il utilise comme un fait certain le fait que toute l'armée fut témoin de la vision. En réalité, nous n'avons pas d'autres témoignges que celui de Constatntin, et c'est ce même Constantin qui prétend, 20 ans après les faits, que toute l'armée en fut témoin. Si c'était vrai, on pourrait bien croire Constantin, mais voila, pour croire Constantin, il faut d'abord croire Constantin. On tourne en rond.
(Nous avons groupé les références en bas de page, et les avons numéroté différemment.)

VISION DE CONSTANTIN

  Un des premiers faits qui se présentent sous la plume de M. de Gasparin, dans ce long procès qu’il intente au témoignage humain, c’est la fameuse vision de Constantin; il la rejette, sous ce prétexte qu’elle « a été rapportée de deux ou trois manières absolument inconciliables (1). »
  Nous ne savons trop pour notre part, en quoi diffèrent ces versions inconciliables et sur quelles syllabes ou quelles virgules, on peut susciter ici de longs débats.
Note: Lactance dit que Constantin fit représenter le signe sur les boucliers, et Eusèbe sur l'enseigne.
Tout ce que nous savons, c'est qu'au rapport d’'Eusèbe, évêque de Césarée, et l’un des hommes les plus pieux et les plus savants de l'antiquité, le premier mot de Constantin en apercevant la croix mystérieuse avec l’exergue : » tu vaincras par ce signe, » fut pour demander à ceux qui l’entouraient, s'ils voyaient la même chose.
Note: Eusèbe ne dit rien de tel. C'est une invention d'un auteur ultérieur.
Tout ce que nous savons, c'est que Lactance, auteur contemporain, nous parle de l'apparition nocturne qui suivit la vision du jour, nous savons qu’une douzaine d’historiens, tant chrétiens que païens, confirment le récit d'Eusèbe (2),
Note: Tous ces auteurs ne font que répéter ce qu'avait dit Eusèbe. Ils ne risquaient pas d'en savoir plus que lui.
et enfin, que saint Artémius, alors dans l’armée de Constantin et depuis martyr sous Julien, disait à l’empereur apostat : « Nous qui vous parlons, nous étions présent à ce spectacle et nous avons lu cette écriture admirable ; bien plus, toute l'armée La vit comme nous , et vous avez encore dans vos troupes bien des personnes qui pourraient attester le fait (3). »
Note: Nous ne connaissons le témoignage d'Artémius que par Métaphraste, qui écrivait des siècles plus tard, des récits entrecoupés de fables, et Artémius décalque un peu trop fidèlement le récit d'Eusèbe.
Tout ce que nous savons enfin, c'est que jusqu’au moment, où le protestant Mosheim s'avisa, pour la première fois, d'expliquer ce grand fait par « une ruse militaire de Constantin pour animer ses troupes aû combat, » tout le monde était d'accord. (4)
Note: C'est faux. Il n'y eut accord que jusqu'au XVIe siècle. Les protestants émirent des doutes au XVIIe siècle, et nièrent carrément la vision au début du XVIIIe.
Rien n'est plus vrai: au moment du combat, Constantin en parlait à ses troupes, mais toujours en faisant appel à leur souvenir, et nous l'avouons, nous avons peine à comprendre un capitaine, cherchant à réchauffer l’ardeur de ses troupes par le souvenir d'un fait qu'elles savent faux.
Note: C'est tout simplement que, selon Eusèbe, Constantin n'en a pas parlé à ses troupes.
  Au reste, l’objection des versions inconciliables n'aurait de portée qu'en faisant supposer un mensonge, ou tout au moins une fraude pieuse. Autrement, elle ne signifierait rien et ne révélerait que l’inexactitude des historiens copistes. Mais pour cette théorie du mensonge, il est encore trop tard ; elle a fini son temps, et malgré tous ses anciens services, elle laisse décidément la place à d'autres théories plus jeunes. On les connaît; tantôt c’est le naturalisme d'un effet lumineux, et tantôt l'hallucination, double théorie que nous verrons renaître tout à l'heure à l’occasion de Migné, et qui suppose toujours dans les deux cas la réalité de la vision.
Note: Il n'y a pas de réalité s'il y a hallucination.
  Commençons par la croix du IVe siècle.
  Le 2 mars 1846, M. Amédée Thierry lisait à l'Institut un fragment historique dans lequel on remarquait le passage suivant : « Pendant une marche à la tête de ses troupes, et quelques heures avant le coucher du soleil, Constantin aperçut au-dessus du disque du soleil, et au milieu de jets de lumière resplendissants, un objet d’une forme étrange rappelant grossièrement l’image d'une croix, et au bas duquel on put lire ces mots : «par ceci sois vainqueur... »
  Bien entendu, sous la plume du savant historien, tout cela, y conpris la vision de la nuit suivante qui enjoint à l'empereur la reproduction du signe sur ses drapeaux (5), « tout cela est peut-être le résultat du vague souvenir d’un monogramme de deux lettres, déjà sculpté et vu d'une certaine facon, etc., etc. » Tout cela est à merveille, quoique le souvenir de deux lettres n’explique pas du tout une inscription de quatre mots, et quoique l’imägination de Constantin n’explique pas du tout celle de son armée. Mais enfin M. Thierry, qui se connaît en critique historique, ne parle pas du tout de ces versions inconciliablés, dont lé premier effet serait la destruction du fait, et probablement pour les taire, il a eu de fort bonnes raisons.
Note: l'auteur choisit soigneusement unn argument stupide afin de le réfuter, mais il est probable que son adversaire évoquait surtout une croix parhélique
  Au reste, il n’est pas le seul, et la science moderne s’est encore chargée à son tour de cette réhabilitation historique.
  Écoutons le docteur Lelut (6) :
  « Voilà donc enfin, grâce à M. Thierry, voilà donc l’histoire qui commence à voir clair dans des faits, que depuis des siècles elle expose et explique, sans y rien comprendre. Il lui reste à mettre un peu plus résolument les noms sous les choses ; mais il ne faut pas trop demander à la fois. Contentons-nous pour le moment de classer parmi les troubles de l'imagination, ces globes de feu, ces soleils d’où sort une voix, une croix, ou tout autre signe, sans oublier les monogrammes lumineux. »
Note: classique sophisme de l'épouvantail, où l'auteur imagine ce que dirait ses adversaires.
  M. le docteur Michéa, sans être aussi résolu que M. Lelut, est aussi ferme comme certitude historique. « On ne peut, dit-il (7), ébrander la certitude de l'événement ;… sans oser nier l'apparition, d'autres écrivains ont prétendu l'expliquer par une illusion d'optique. Ils ont invoqué certaines modifications de la lumière dans les nuages... (8), Mais si les lois de la physique peuvent expliquer une partie du phénomène, elles sont tout à fait impuissantes relativement à l’autre, c’est-à-dire à rendre raison de l'apparition des caractères, composant l'inscription grecque, »; ces réflexions sont très-justes mais elles n’empêchent pas M. Michéa d’appeler cela l’hallucination de Constantin.
Note: il suffit d'imaginer la conjonction de plusieurs phénomènes à différents niveaux.
  On le voit, le fait malgré ses détails prétendus inconciliables, est entré définitivement dans la science, et il est très-probable qu'il n’en sortira plus; certes il valait la peine de s'en assurer. Événement du premier ordre, clé et cause à la fois de la plus grande des transitions historiques, — celle qui fit monter le christianisme des catacombes au Capitole, —il était d'autant plus dur de le voir reléguer parmi les habiletés de la politique et les fraudes d’une religion ambitieuse, que ses analogues ne manquent guère, au début de toutes les grandes évolutions sociales ; ce qui démontre surabondamment l'énorme importance historique, philosophique et religieuse de toutes les questions que nous remuons en ce moment.
  Au reste, on est prévenu, — et cela ne laisse pas que d'ajouter encore à l’importance de la discussion, — on est prévenu que « lorsque l'histoire appellera un peu plus résolument les choses par leur nom, » elle déclarera atteints de folie, tous les grands hommes suspects d’une vision mystérieuse, et cela sans distinguer, comme M. de Gasparin, entre l'ère judaïque et l'ère chrétienne, entre le temps des apôtres et celui de leurs successeurs ; la fusion est depuis longtemps consommée.
  Grâce à toute une école historique et médicale, désormais on voit rangés dans une seule et même classe tous les hallucinés collectifs, depuis Moïse et les prophètes jusqu’à Constantin, et depuis Constantin jusqu'à nos voyants modernes.
Note: C'est ce que l'auteur dit que dirait ses adversaires. Encore une fois l'épouvantail.
  Mais enfin, peu importe en ce moment : un effet lumineux ou une hallucination collective n’en sont pas moins un fait et un très-grand fait; par conséquent, le classer parmi les mensonges du témoignage, sous ce prétexte, dès lors impossible, que les témoins ne s'entendent pas, et le rejeter pour cette seule raison, c’est manquer tout à la fois à la précision critique , à l’histoire, et aux progrès de la science moderne.
  Dans tous les cas, l'honneur du témoignage est donc complétement sauf ici, puisque «la ruse militaire » étant abandonnée, le grand empereur n'invente plus, mais subit, — avec toute son armée, il est vrai, — sa propre hallucination.
Note: Sauf que l'armée ne vit probablement rien du tout. C'est Constantin qui dit que l'armée vit aussi, sans qu'on en ait de trace.

(1) 1-65.
(2) De Mort. persec., ch. XLIV.
(3) Voy. Métaphraste, et sa défense, pa: don Ruquart et de Valois (in notis ad am.Marc, p. 324).
(4) Voir tous les auteurs dans la Dissertation publiée en 1774 par l’abbe Duvoisin.
(5) Voir les historiens précédemment cités.
(6) Amulette de Pascal, p. 315.
(7) Délire des sensations, D. 88.
(8) Absolument comme pour Migné.

Jules de Mirville ne nous fait pas vraiment une apologie de la vision de Constantin, il raille seulement ses adversaires d'avoir employé des arguments inadéquats. Surtout, il imagine ces arguments à leur place.

Dernière mise à jour: 08/11/2023

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