1829 L'abbé Vrindts sauve la vision avec son catéchisme

L'abbé Vrindts, professeur de philosophie et ultramontain notoire, ayant écrit un livre pour défendre l'authenticité de l'apparition de la croix de Migné, contre les vilains gallicans qui la niaient, se devait d'y défendre aussi la vision de Constantin, puisqu'elle fut la première des chiasmophanies, qu'elle fondait le culte de la croix, et que c'est lors de son évocation par un prédicateur que la croix de Migné apparut.

L'abbé Vrindts commence par raconter les états d'âme de Constantin, la vision diurne, le rève nocturne et la fabrication du labarum. Puis il décrit l'entrée à Rome de Constantin, sans parler de la bataille du Pont Milvius, et insiste sur les monuments que fit éléver Constantin pour commémorer une victoire due à la protection céleste. Il aurait fait placer un labarum dans la main de sa statue, avec l'inscription:
Par ce signe salutaire, qui est la preuve du vrai courage, j'ai sauvé votre ville en la délivrant du joug de la tyrannie; et après avoir rendu la liberté au sénat et au peuple romain je l'ai rétabli dans son antique état de noblesse et de gloire.
  Il fallait que la vérité de l'événement qui fit triompher Constantin de Maxence, et la croix du Capitole, jetât un tel éclat d’évidence que la plus opiniâtre incrédulité n’y pût fermer les yeux.

Puis il raconte l'invulnérabilité des porteurs du labarum, telle qu'elle est affirmée par Eusèbe sur la foi de Constantin.
Il se laisse aller à une bouffée d'ultramontanisme:
L'inscription céleste, vainquez par ceci, attache la victoire à la croix; le triomphe accompagne celui qui combat avec cette arme, et la mort est le châtiment du lâche qui la quitte. Nos royalistes ne sont plus chrétiens; ils sont même Les ennemis de la croix du Christ. Comment pourraient-ils empêcher la perte de la royauté et du christianisme, qui en est le soutien inébranlable?
Il oublie simplement que le signe supposé apparu à Constantin n'était pas une croix, mais un chrisme.

Puis il prend l'exemple du comportement de Constantin (en oubliant qu'Eusèbe a gommé tous ses crimes) pour donner une leçon de morale:
Les souverains sont les hommes de la Providence pour le châtiment ou la prospérité des nations. Le prince fidèle à son Dieu est toujours le ministre de sa bonté; le prince faible ou méchant est l'instrument de sa justice. Le modérateur de l’ordre social pousse ses soins assidus souvent jusqu'au miracle en faveur des souverains : la croix de Migné dit à Charles X, aussi bien que la croix de lumière le disait à Constantin, que Dieu seul est l'auteur d’un gouvernement sage comme des exploits éclatans , et non les combinaisons d’une politique faible et timide, qui ne sait rien vouloir avec vigueur.

Il remarque que l'apparition miraculeuse a paru un fait certain jusquau XVIIe siècle, où les protestants l'ont mis en problème, suivi par des générations de philosophes. Pourtant, d'après lui, la seule autorité d'Eusèbe suffit. Et le fait que personne ne l'ai contredit pendant treize siècles est d'un poids écrasant. On retrouve ici le sophisme du silence des auteurs païens. il précise:
En vérité c'était venir un peu tard que de se présenter après treize cents ans pour récuser sur un fait aussi public les témoignages unanimes de tant de générations.
C'est vraiment de la mauvaise foi, car il n'y a que le seul témoignage de Constantin, réfracté par celui d'Eusène, et tout le reste n'est que de la rumeur. Si l'on s'en tient au raisonnement de l'abbé Vrindts, l'archéologie n'a tout simplement aucune valeur.

Dans les chapitres suivants, il s'attache à démontrer la crédibilité d'Eusèbe. Pour lui, Eusèbe était l'homme de plus savant de son temps, et c'est peut être son penchant pour l'Arianisme qui l'a poussé à ne rien dire de clair à propos du miracle. Mais selon lui, Eusèbe ne pouvait se tromper sur le témoignage de Constantin: Les faits étaient trop éclatants, et parfaitement connus de ses contemporains (suppose-t-il). Il consacre ensuite plusieurs pages à proclamer qu'Eusèbe n'a pas pu mentir.

Il s'attache ensuite à démontrer la crédibilité de Constantin, avec un raisonnement qui prète à sourire:
le témoignage de Constantin est d'un poids d’autant plus considérable qu'en qualité de chef de l'empire romain il est le plus grand personnage du monde policé; et que, grand homme et homme de bien , il est investi aux yeux des siècles éclairés d’une autorité qui paraîtra toujours une preuve irréfragable de la vérité du prodige qu’il atteste.
Autrement dit: si c'est le chef qui le dit, c'est que c'est vrai. Et il insiste sur les vertus prétendues de Constantin. Après quoi il accepte d'envisager une invention de Constantin, pour le réfuter aussitôt: Toute l'armée en a été témoin. Mais qu'en sait il? C'est Constantin et lui seul qui le dit. Ainsi, pour croire ce que dit Constantin, il faut d'abord croire ce que dit Constantin.
Son raisonnement suivant, pour prouver la non ancienneté du souvenir de Constantin semble copié de celui de l'abbé Duvoisin. Il conclut:
Après vingt-cinq ans l’importance du prodige, la multitude des contemporains encore én vie, et la rage impuissante des idolâtres contre les chrétiens, au défaut de toute autre raison, rendraient toujours le témoignage de Constantin d'une certitude à toute épreuve.

Vient ensuite une logorrhée de sectarisme d'une lecture pénible:
les modernes iconoclastes ont tenté vainement d’envelopper des nuages du doute ct de leurs sophismes cette éclatante vérité historique ; il était facile de dissiper ces nuages à la plus faible lueur des premières règles de la saine critique. Voltaire, le Jupiter assemble-nues de l'impiété de nos siècles , n’a pas été plus habile que ses devanciers à obscurcir l'éclat de ce miracle.
Hé oui, c'est tout simple: puisque c'est lui qui a raison, les autres ont forcément tort.

Quelques pages de sophismes, où il suppose d'autres historiens contemporains d"Eusèbe, dont les oeuvres auraient disparu, mais auraient été lues par les historiens suivants. Puis il affirme que le fait qu'Eusèbe ait inventé la vision serait lui même un miracle éclatant. Puis, comme l'abbé Duvoisin, il appelle à la rescousse les monuments publics, qui ne font pourtant que prouver la réputation de Constantin. Il va même, lui aussi, jusqu'à récuperer la fête de l'exaltation de la sainte croix, qui selon lui, était antérieure à la découverte de la croix du Christ, et devait donc commémorer l'apparition de la croix à Constantin.

Comme l'abbé Duvoisin, l'abbé Vrindts évoque ensuite le silence des auteurs païens.
Les païens assurément n'ignoraient point cet éclatant prodige pas plus que le triomphe de Constantin, que ce prince y rapportait aux yeux de tout l'empire comme à l’unique cause de ses succès inespérés.
Et s'ils n'ont rien dit, alors que si le miracle était faux, il leur était facile de le discréditer, ça prouve bien que le miracle était vrai, n'est ce pas? Pas question d'imaginet qu'ils n'en aient rien su: il y avait tant de témoins.

Enfin, L'abbé Vrindts considère comme une dernière preuve, la suite des évènements qui ont suivi l'avènement de Constantin. Ces évènements n'auraient pas été tels, si la vision n'était qu'un stratagème. Mais ceci n'est valable, comme précédemment, que si le récit de la vision avait été connu de tous. La naïveté, ou la mauvaise fois de l'abbé Vrindts font penser à celle de Simon Goulart, qui écrivait en 1600, à propos de la pseudo-comète de 1527:
Et qu'a veu l'espace de 63 ans depuis toute l'Europe, sinon les horribles effects en terre de cest horrible presage au ciel?
Le brave homme lui attribuait toutes les calamités de son temps, alors que ce n'était qu'une aurore boréale.

Finalement la mauvaise foi que met l'abbé Vrindts pour démontrer la réalité de la vision de Constantin, est exactement la même que pour démontrer celle de la Croix de Migné. Il transforme ses suppositions en certitudes, dichotomise le problème, ignore les arguments qui ne l'arrangent pas, affirme ses croyances contre vents et marées. Bref, il récite son catéchisme. Pire: il le récite mal, car il confond le labarum de Constantin avec la croix chrétienne.

Abbé Vrindts, La croix de Migné vengée de l'incrédulité, Paris, 1829, p. 97-155

Dernière mise à jour: 20/11/2023

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